L’eau en droit international
Colloque d'Orléans
Société Française pour le Droit International
Quatrième de couverture
Le Centre de recherche juridique Pothier (CRJ) a accueilli le colloque annuel de la Société française pour le droit international du 3 au 5 juin 2010 sur un thème novateur : L’eau en droit international. Le dernier colloque de la S.F.D.I. qui avait eu lieu à Orléans était l’un des tout premiers colloques de la Société – plus précisément le cinquième – qui, du 25 au 27 mai 1971, s’était attaché à l’approfondissement de certains Aspects du droit international économique ; Elaboration, contrôle, sanction. Ce thème avait occasionné des débats passionnés sur l’autonomie supposée ou réelle du droit international économique qui en était alors à ses années de jeunesse. Original à cette époque, il est depuis lors devenu classique, à telle enseigne qu’il fait aujourd’hui l’objet de cours et de diplômes de Master. Le thème retenu pour l’édition 2010 du colloque de la Société aura-t-il le même destin ? Certains opposeront que l’eau n’a rien de nouveau en droit international. Les origines du droit des organisations internationales ne se trouvent-elles pas là plus qu’ailleurs ? La Commission centrale pour la navigation du Rhin, dont la mise en place est prévue par l’Acte final du Congrès de Vienne de 1815 et qui se réunit à Mayence pour la première fois le 15 août 1816, n’est-elle pas généralement présentée comme la première organisation internationale ? La navigation a longtemps constitué un aspect primordial de la réglementation internationale applicable aux cours d’eau internationaux mais le colloque ne s’est pas attardé sur la navigation, ni sur les délimitations frontalières utilisant des masses d’eau d’ailleurs. C’est de l’«eau ressource » dont il a été question. C’est l’eau telle qu’elle est appréhendée dans le cadre de la Commission internationale pour la protection du Danube (ou de la Commission internationale pour la protection de la rivière Oder), celle dont on protège la qualité – qu’il s’agisse des eaux de surface ou des eaux souterraines, celle dont on protège l’environnement, dont on s’assure que l’utilisation est équitable et durable, qui a retenu l’attention. Si l’approche environnementaliste n’est pas étrangère à notre propos, le réduire à cela serait une erreur. Des instruments ayant l’eau pour objet s’inscrivent dans le cadre du seul droit de l’environnement, mais le colloque s’est intéressé à l’eau plus globalement. Il a permis d’affirmer l’existence d’un droit international de l’eau, de l’identifier et d’en mesurer les limites. Certains restent dubitatifs face à cette approche, voyant dans l’expression « Droit international de l’eau » l’affirmation de l’existence d’une discipline autonome là où il s’agit surtout de mettre en lumière des institutions, des instruments, des activités saisies par le droit, tous trop souvent ignorés des internationalistes. D’autres, dans le même temps, particulièrement dans la doctrine anglo-saxonne qui sait se montrer pragmatique lorsque cela est nécessaire, en sont à approfondir les évolutions de ce droit (Edith Brown Weiss, « The Evolution of International Water Law », R.C.A.D.I., 2007, vol. 331, p. 163-404). Le droit international de l’eau laisse une place de premier plan à la coopération interétatique et les traités internationaux, le plus souvent bilatéraux ou plurilatéraux, sont à la fois très nombreux et anciens. Les traités les plus récents mettent en évidence des préoccupations nouvelles. Ils sont plus souvent tournés, non seulement vers la détermination de priorités dans les usages, mais aussi vers la préservation de la ressource et retiennent une approche plus globale que les traités anciens. Au-delà de ce droit international de l’eau « interétatique », on ne peut que constater l’implication dans le secteur de l’eau d’une grande diversité d’acteurs, auteurs, destinataires et contestataires des normes posées. Dans un contexte international marqué par une raréfaction de la ressource, en lien avec la surexploitation et la pollution, la reconnaissance internationale d’un droit de l’homme à l’eau constitue à la fois une évolution en cours et un enjeu dont la société civile s’est emparée. Sur un plan national, la revendication part souvent de la contestation des conditions dans lesquelles la distribution et l’assainissement de l’eau s’opèrent, dans le cadre de la privatisation. Les questions du prix de l’eau, de l’accès à l’eau des quartiers périphériques et de la qualité de l’eau deviennent ici cruciales. A n’en pas douter, « [l]’eau et son droit » sont dans l’actualité et, singulièrement, dans l’actualité française : le cinquième forum mondial de l’eau se tiendra au mois de mars 2012, à Marseille ; la France a adhéré le 24 février 2011 à la Convention de New York sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation du 21 mai 19972. D’un point de vue strictement national, l’année 2010 a marqué la fin de la gestion déléguée de la distribution de l’eau potable dans nombre de villes françaises, et le retour à la gestion en régie dans des grandes villes comme Paris ; d’autres contrats de délégation dans d’autres villes arrivent à échéance dans les années qui viennent. Ne doutons pas que, dans une époque marquée par l’accroissement de la demande, l’augmentation et la diversification des conflits nés de la concurrence entre usages de l’eau, l’eau sera encore un sujet d’actualité dans les années qui viennent. Espérons que les juristes, et notamment les internationalistes, parviendront à s’en saisir de la manière la meilleure qui soit pour tous.