Un autre droit pour un autre monde
Comment sortir des impasses du droit contemporain?
Monique Chemillier-Gendreau
Quatrième de couverture
Monique Chemillier-Gendreau n’a cessé de développer une approche critique du droit international, construisant sa réflexion sur la longue durée pendant que l’essentiel de la doctrine française développait une vision positiviste et formaliste du droit international. Courageusement, elle n’a cessé de montrer les faiblesses et impasses de cette branche du droit et du système juridique international dans son ensemble, révélant notamment les ambivalences du texte si fondamental que constitue la Charte des Nations Unies, porteuse de tant d’espoirs mais également de déceptions par son appui à la souveraineté des Etats. C’est certainement la compréhension commune de ce concept de souveraineté de l’Etat, altéré de toutes parts dans le cadre de la mondialisation, qui est au cœur de la réflexion de l’auteure en ce qu’il constitue selon elle l’ultime obstacle à une réelle pacification du monde et à une pensée de l’universel.
Il ne s’agit pas de nier que le droit international est en soi un progrès par rapport à l’anomie qui caractérisait naguère les relations internationales soumises au seul jeu du rapport de forces. Il n’en demeure pas moins qu’il est marqué par un certain nombre de lacunes et de fortes contradictions qui minent son application et son efficacité. La segmentation des sociétés en Etats souverains comme leur organisation au sein de l’ONU sont en voie d’être englouties par le monde nouveau qui émerge. Nous serions en effet parvenus à la fin d’un cycle historique qui révèle l’inadaptation du droit international à régir les rapports interétatiques et le développement des actions d’un certain nombre d’acteurs non étatiques.
Il ne s’agit toutefois pas de déplorer la situation et d’attendre le grand effondrement comme si l’ordre du monde actuel était inéluctable. Il faut au contraire faire un saut logique considérable, imaginer les bases sur lesquelles doit être construite une société mondiale différente, un monde commun, en tirant les leçons des échecs du droit international. Il convient, pour cela, de recourir à une démarche utopiste assumée, l’utopie constituant l’indispensable renouvellement de l’horizon politique qui repose sur la conviction qu’un autre droit pour le monde à venir sera fondé sur le principe d’une « entre-connaissance » universelle. Il faut donc notamment réactiver le politique à tous les échelons, briser le principe de domination, assurer le pluralisme juridique, ouvrir une nouvelle page de l’idée de démocratie et repenser à nouveaux frais la question du cosmopolitisme. Cela exige un nouvel imaginaire politique et juridique qui puisse faire vivre ensemble des communautés d’êtres humains libres. Alors, l’alliance des Etats se trouvera heureusement complétée et dépassée en se métissant d’une alliance directe des citoyens dans une ère post-nationale, donc post-souveraine, articulée sur une pensée politique du bien commun à l’échelle du monde. Il est en somme question de changer le monde par un nécessaire bouleversement.
À propos de l'auteur
Monique Chemillier-Gendreau est professeure émérite de droit public et de sciences politiques à l’Université Paris VII – Diderot. Praticienne et engagée dans de multiples actions associatives, elle a écrit un grand nombre d’articles et d’ouvrages sur le droit international.Détails de l'ouvrage
Collection fondée par Emmanuelle Jouannet,
professeure à l’Ecole de droit de Sciences Po Paris et dirigée
par Jean Matringe, professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne