L’Agression en droit international
Maurice Kamto
Quatrième de couverture
Une idée reçue suggère que l’agression armée ne fut pas considérée contraire aux règles de droit international, jusqu’à ce que le recours à la force soit proscrit dans l’ordre international. La réalité paraît beaucoup plus nuancée, car il semble que même à une époque reculée où une certaine forme de guerre qualifiée de « guerre juste » était admise, les monarques et les Etats, du moins ceux qui se considéraient « civilisés », reconnaissaient que les guerres d’agression constituaient une violation du droit des nations.Dans l’ordre international contemporain, l’agression apparaît comme le crime le plus grave qui puisse être commis dans les relations entre Etats. C’est peut-être même le plus grave des crimes internationaux : non seulement il porte atteinte à l’existence-même de l’Etat victime et, ce faisant, aux principes essentiels du droit international, mais encore il est généralement à l’origine des autres crimes considérés comme les plus graves par la communauté internationale, en particulier le crime de guerre et le crime contre l’humanité. En ce sens, l’agression peut être considérée comme la mère de la plupart des crimes internationaux résultant de la violence de l’Etat. Jusqu’à une époque relativement récente, l’agression comme acte de l’Etat ne faisait pas encore l’objet d’une définition établie en droit international. La communauté internationale s’attellera à l’élaboration d’une telle définition à partir de 1967 et y parviendra sept ans plus tard lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies adopta en 1974 une définition de l’agression plus ou moins controversée, en tout cas accueillie fraîchement par certains pays développés. La mauvaise conscience des massacres répétés perpétrés au cours du XXe siècle a inspiré au monde la volonté de combattre le mal à la racine en doublant la responsabilité de l’Etat en cas d’agression de celle des responsables de l’Etat qui l’ont orchestrée. Ces personnes ne peuvent plus se dissimuler derrière le bouclier trop commode d’une personne morale sans visage, dépourvue de sentiment et donc insensibles à la douleur des victimes comme aux sanctions qui peuvent leur être infligées.
Mais si, malgré tout, une définition de l’agression en tant qu’acte de l’Etat est désormais acquise, ressurgit le problème de la définition de l’agression en tant que crime de l’individu que les statuts des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo avaient essayé de régler. C’est que depuis ces statuts, le droit pénal international a évolué et que la Charte des Nations Unies confère au Conseil de Sécurité un pouvoir de qualification en la matière qui ne facilite pas l’accord sur une définition consensuelle de l’agression en tant que crime imputable à un individu.Le présent ouvrage s’efforce de faire une présentation autant que faire se peut exhaustive de la matière, aussi bien en ce qui concerne l’agression en tant qu’acte de l’Etat que comme crime de l’individu, l’étude de ces deux aspects de la question étant complétée par une analyse des problèmes soulevés par l’application du droit international humanitaire dans un contexte d’agression.